• Ass' mat', c'est un métier, ça?

    "Toi, ass mat? T'es sûre? "

    "Tu vas garder des enfants toute la journée, alors?"

    " Tu ne vas pas t'ennuyer, toute seule?"

    ...  lorsqu'on décide de devenir AMA, on entend ce genre de remarques dix fois par jour.

    Petite mise au point.

    Pour avoir travaillé en entreprise pendant 15 ans, et en équipe de surcroit, j'avoue que le fait d'être la seule adulte à laquelle je pouvais m'auto-parler pendant la journée fut un grand changement. Un changement plutôt... agréable, ma foi. Pas de rivalités féminines ni de bruits de couloirs, de discussions hautement stratégiques à la machine à café (Martine n'a pas un peu grossi? T'as maté la jupe de Liliane, sérieux?), pas d'échéances, de deadlines, de guerre à la promotion ou au mérite, de réunions soporifiques ni de dossiers lénifiants, pas de chefaillon ni de défilé de mains moites à serrer le matin entre le premier café et les cinquante mails à dépiler (j'exagère? Oui, un peu.). A la réflexion... était-ce mieux ou pire que les futurs babillages de pious et autres recommandations répétées vingt fois par jour à mon domicile? Je ne crois pas, il s'agit juste de deux mondes différents et incomparables. L'un n'est ni plus noble ni moins intéressant que l'autre (cela ne m'empêchera pas de remarquer que l'AMA du 56, rue Machin a pris quelques kilos, on ne se refait pas oops).

    Côté garde-robe, je saute le pas : plus de tailleurs- talons-marathon-du-matin mais un jean-converse-perfusion de café, c'est très bien aussi. Je manierai non plus les boucles itératives et les jointures externes du PL/SQL mais les poignées du guidon de ma poussette-tank Graco de compétition. Mon humour et mon dynamisme ne me serviront plus à contrer quelque joute verbale volant dans l'openspace mais ils seront mis à contribution pour faire apparaitre un sourire édenté au milieu de deux joues à croquer. Quid de la satisfaction du devoir accompli, des lignes de code rendues à temps, des grandes ambitions qui ont fait le succès de mon équipe informatique? Je trouverai la satisfaction ailleurs. Peut-être même que la sensation du travail bien fait m'arrivera droit au coeur le jour où je contemplerai une mère de famille partir au travail en toute confiance le matin, rassurée de savoir la prunelle de ses yeux en sécurité et parfaitement épanouie avec moi? Lire la confiance dans le regard des parents vaut pour moi plus que tout. Peut-être parce que j'ai moi aussi été employeur d'assistantes maternelles agréées (avec plus ou moins de chance...) et que je connais le prix de la tranquillité d'esprit, ce sentiment de plénitude que l'on peut ressentir quand on sait que tout ira bien aujourd'hui pour son piou. Ne pas se ronger les ongles de 08h à 18h dans l'angoisse et le doute est quelque chose qui fait énormément de bien à moyen terme (et je ne parle pas que de vos lunules).

    J'ai passé de longs mois à réfléchir avant de sauter le pas. Travailler chez soi est une entreprise perturbante. Accepter que son lieu de vie soit son lieu de travail, mettre ses murs à disposition d'autrui, ce n'est pas rien. J'ai calculé, mesuré, trié, jeté, optimisé.... afin de savoir si une fois ma semaine de boulot terminée, mon appartement ressemblerait encore à une annexe de la Grande Récré. Une fois rassurée sur ce point (bénis soient les placards et autre cellier), une autre question remonta à la surface de mes certitudes:  comment décloisonner ma vie privée de ma sphère professionnelle? Là où d'autres quittent un bureau afin de passer un peu plus tard  le seuil de leur porte,  je n'aurais même pas à franchir mon paillasson, et toutefois me retransformer en mère, épouse et femme (transmutation....! La force rose, c'est moi).

    C'est la raison pour laquelle j'insiste toujours sur un point essentiel lors de ma rencontre avec les parents : mon appartement n'est pas un hôtel ni un hall de gare. On y respecte des horaires, ce qui revient à respecter mon travail et moi-même en passant. Les enfants y vivent 10h par jour, j'y exerce mon métier avec joie mais passée l'heure, ce lieu redevient ma propriété privée, le théâtre d'une course effrénée contre le temps (douches/repas/devoirs) bien connue des mères de famille actives. 

    Une fois ces questions décortiquées, mâchées, digérées par mon cerveau en ébullition, il m'est apparu clair que j'étais faite pour ce métier, et que je le pratiquerais non moins bien que mon ancien travail. Ceux qui s'imaginent qu'être AMA consiste à gardienner des enfants se trompent. C'est bien plus que cela... et j'en reparlerai plus longuement dans un nouvel article biggrin

    Retour au menu "Reflexions sur le métier d'AMA"

    Partager via Gmail

    Tags Tags : , , , , , , , ,